Soins gériatriques
La Société scientifique de soins en gérontologie formule les cinq recommandations
suivantes:
1) Ne pas laisser les personnes âgées au lit ou seulement assises sur une chaise.
Près de 65% des personnes âgées qui pouvaient auparavant se mouvoir de manière autonome éprouvent des difficultés à le faire alors qu’elles sont hospitalisées. Rester au lit ou assis sur une chaise pendant un séjour hospitalier entraîne une perte de force et sont des facteurs importants de la diminution de la capacité de marcher chez les personnes âgées. La perte de la capacité de marcher prolonge le séjour en milieu hospitalier, augmente la nécessité d’une réadaptation ultérieure ou peut avoir pour conséquence le placement dans un établissement médico-social. A cela s’ajoute l’augmentation du risque de chute et de mortalité, et ce, aussi bien pendant qu’après l’hospitalisation. Il est donc crucial d’entretenir la capacité de marcher afin de maintenir la capacité fonctionnelle des personnes âgées et d’éviter d’augmenter la charge pour les proches aidants. Les conséquences négatives de l’immobilité valent également pour les personnes qui se trouvent dans un établissement médico-social ou à domicile. Les objectifs de mobilisation et de promotion de la marche doivent être centrés sur la personne et adaptés à leur environnement, au projet de vie et à la situation personnelle de la personne concernée.
Références:
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2) Éviter les mesures limitant la liberté de mouvement chez les personnes âgées.
Les mesures limitant la liberté de mouvement sont rarement une solution et causent souvent des problèmes tels qu’une agitation accrue et des complications sérieuses, qui peuvent même, dans le pire des cas, entraîner la mort de la personne concernée. Les mesures limitant la liberté de mouvement sont souvent prises face à un comportement à risque et/ou dangereux. De tels cas exigent une attention immédiate et une évaluation spécifique de la situation. Il est dès lors très important d’élaborer une stratégie claire pour éviter et gérer les comportements à risque et/ou dangereux ainsi que de bien coordonner les actions avec les proches. La sécurité et un accompagnement centré sur la personne sans mesures limitant la liberté de mouvement sont favorisés lorsqu’une équipe interprofessionnelle et/ou un(e) expert(e) en soins sont à disposition pour les conseiller dans l’anticipation, l’identification et la recherche d’une stratégie de résolution du problème. Une organisation optant pour une telle approche favorisant un accompagnement sans mesures limitant la liberté de mouvement, avec des structures ad hoc ainsi que des offres de formation continue sont indispensables.
Références:
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Mösch Payot, P. (2018). Freiheitsbeschränkungen für Erwachsene in Heimen. Pflegerecht 02/2018: 67-75
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3) Ne pas réveiller les personnes âgées la nuit pour des soins de routine, tant que ni leur état de santé ni leurs besoins en soins ne l’exigent vraiment.
Physiologiquement, le sommeil nocturne change avec l’âge. Les personnes âgées ont besoin de plus de temps pour s’endormir, dorment moins profondément et se réveillent plusieurs fois. De plus, des problèmes de santé tels que les douleurs, les difficultés respiratoires ou les mictions nocturnes fréquentes perturbent l’ensemble du cycle sommeil-éveil. Les tournées régulières pour voir si tout est en ordre provoquent également du bruit et de la lumière inutile, ce qui peut interrompre le sommeil et, à terme, entraîner des troubles du sommeil. Les troubles du sommeil ont un impact négatif sur la santé et le bien-être, elles empêchent les activités physiques et peuvent entraîner délire, dépression ou autres troubles psychiques. Les soignants devraient, particulièrement chez les personnes âgées, promouvoir un sommeil réparateur et nocturne. La description du sommeil des personnes âgées concernées révèle des habitudes et des rituels qui favorisent le sommeil nocturne. Dans les services de soins, les facteurs de perturbation inutiles doivent être identifiés et éliminés dans la mesure du possible.
Références:
Brown, C. A., Wielandt, P., Wilson, D., Jones, A., & Crick, K. (2014). Healthcare providers’ knowledge of disordered sleep, sleep assessment tools, and nonpharmacological sleep interventions for persons living with dementia: a national survey. Sleep Disorders, 274–286.
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Guarnieri, B., & Sorbi, S. (2015). Sleep and Cognitive Decline: A Strong Bidirectional Relationship. It Is Time for Specific Recommendations on Routine Assessment and the Management of Sleep Disorders in Patients with Mild Cognitive Impairment and Dementia. European Neurology, 43–48.
Norton, C., Flood, D., Brittin, A., & Miles, J. (2015). Improving sleep for patients in acute hospitals. Nursing Standard, 29(28), 35–42.
4) Ne pas mettre ou laisser une sonde urinaire sans une indication spécifique.
L’infection urinaire associée à une sonde urinaire est indubitablement l’infection nosocomiale la plus fréquente. Ce type d’infection prolonge la durée du séjour hospitalier et augmente la morbidité et la mortalité, ainsi que les coûts. Parmi les mesures de prévention les plus efficaces figurent le renoncement aux sondages inutiles et des interventions ciblées pour maintenir un schéma d'excrétion urinaire optimal. Dans les cas où un sondage urinaire est inévitable, l’indication médicale doit être vérifiée quotidiennement et la durée du maintien doit être réduite au minimum. Lors de l’évaluation de la situation, on tiendra particulièrement compte du ressenti par les personnes âgées concernées des contraintes et de la qualité de vie.
Références:
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Sesartic, B. P. (2011). Guidelines St. Galler Geriatriekonzept. Guideline Nummer S-14: Harnwegsinfekt im Alter (No. Version 1.0). St. Gallen.
Tenke, P., Mezei, T., Bőde, I. & Köves, B. (2017). Catheter-associated Urinary Tract Infections. European Urology Supplements, 16(4), 138–143. doi:10.1016/j.eursup.2016.10.001
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5) Éviter l’administration de médicaments de réserve tels que sédatifs, antipsychotiques ou hypnotiques lors d’un delirium sans d'abord clarifier, éliminer ou traiter les causes à l’origine de ce dernier.
Utiliser principalement des approches non-pharmacologiques pour prévenir et traiter un délire.
La principale étape dans le traitement d’un delirium est l’identification, l’élimination ou le traitement des causes qui en sont à l’origine. Un delirium est souvent une conséquence physiologique directe d’une autre maladie, d’une intoxication, d’un sevrage, d’une exposition à une toxine, ou de causes multiples.
Il faudrait donc procéder à une anamnèse détaillée, un examen physique, prescrire des tests de laboratoire et émettre des diagnostics spécifiques ainsi que vérifier de manière approfondie si certains médicaments pouvaient provoquer un délire et les interrompre. Étant donné que de nombreux médicaments ou groupes de médicaments ont un rapport avec le développement d’un délire (p.ex. benzodiazépine, anticholinergiques, certains antihistaminiques, sédatifs/somnifères), leur administration en tant que médicament de réserve devrait être évitée autant que possible. Par ailleurs, les antipsychotiques ne devraient être administrés qu’à la plus petite dose efficace, pour une durée la plus courte possible et uniquement aux personnes âgées qui présentent une forte agitation et/ou qui peuvent présenter un danger pour les autres ou pour elles-mêmes. Ces médicaments ont des effets secondaires importants et il n’y a pas suffisamment de données probantes pour que leur application
soit sûre et efficace lors d’un délire. Il est donc recommandé, en matière de prévention du délire, d’implanter différentes interventions non-pharmacologiques et de les réaliser de manière systématique et interprofessionnelle pendant toute la durée de l’hospitalisation.
Références:
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Savaskan, E., & Hasemann, W. (2017). Leitlinie Delir: Empfehlungen zur Prävention, Diagnostik und Therapie des Delirs im Alter.
Savaskan, E., Baumgartner, M., Georgescu, D., Hafner, M., Hasemann, W., Kressig, R. W., Popp, J., ... Verloo, H. (2016). Empfehlungen zur Prävention, Diagnostik und Therapie des Delirs im Alter. Praxis, 105, 16, 941-52. DOI 10.1024/1661-8157/a002433
Ulrich-Hermann, A., Kramer, F., & Spirig, R. (February 01, 2010). Pflegerische Ansätze der nicht-medikamentösen Therapie des Deliriums. Therapeutische Umschau, 67, 2, 87-90.
Genèse de la présente liste
L’American Academy of Nursing a élaboré, dans le cadre de la campagne «Choosing Wisely» de la Fondation ABIM, une liste qui comprend actuellement 25 points que les infirmières et infirmiers et patients doivent remettre en question ou abandonner. Six de ces «no-gos» concernent explicitement les soins et la prise en charge des personnes âgées. Dans un premier temps, tous les membres de la Société ont déterminé, dans un questionnaire en ligne, les cinq «no-gos» les plus pertinents de leur point de vue. Un groupe de travail a été constitué, il a procédé à une recherche approfondie de littérature sur chacun des «no-gos». La traduction des «no-gos» et l’élaboration des descriptifs ont été réalisées sur cette base. La liste a ensuite été mise en consultation dans l’ensemble de la Société et finalement au sein de l’APSI. Au cours de divers contacts et présentations, le personnel infirmier spécialisé en gériatrie a manifesté beaucoup d’intérêt pour la liste des cinq premières priorités et les suggestions formulées ont été intégrées dans la version finale.